La Chapelle Notre-Dame d’Aubune, chef d’œuvre de l’art roman située à Beaumes-de-Venise, tirerait son nom d’une victoire que Charlemagne aurait célébrée à l’aube, dès que les premières lueurs du jour frappèrent les flancs de la colline aux pieds de laquelle se tient depuis des siècles la petite chapelle. La légende raconte que le roi avait fait ériger celle-ci pour célébrer la Sainte Vierge après la victoire. Mais le Diable, fou de rage, arrachât un rocher de la crête pour le jeter sur l’édifice et le réduire à néant. La Vierge serait intervenue au dernier moment et bloqua de sa quenouille l’énorme masse rocheuse.
Seulement voilà, comme bien souvent, l’histoire vient se heurter à la légende et remet tout en perspective. Premier problème, et pas des moindres, Charlemagne n’est jamais venu en Provence. Certains historiens locaux pensent alors à Charles Martel, célèbre chef militaire, qui a laissé lui bien des traces de son passage dans la région, en remportant de nombreuses victoires contre les Sarrasins, mais aussi en pillant la ville d’Avignon. Cependant, rien n’atteste d’une quelconque victoire à proximité de la chapelle.
Quant au Rocher du Diable, sa présence pourrait être expliquée par la composition même de la colline. Il semble qu’il soit en fait un morceau des lames rocheuses des contreforts des Dentelles de Montmirail, détaché à l’époque où toute la zone était immergée sous les eaux. Les milliers de fossiles visibles sur la paroi témoignent encore aujourd’hui de cette période.
Aujourd’hui, tout comme la chapelle, la légende demeure intacte, et le Rocher du Diable reste perché. En équilibre au sommet de la colline, toujours menaçant, il arbore encore sur sa face supérieure les marques laissées par les coquillages qui se délitaient ou bien, selon la version que l’on préfère croire, par les griffes de Satan.
Texte et photo : Simon SAADA - Paru dans : Ventoux Magazine